Photographies
Entre nos ombres et nous
(2025)
Sensible à la complexité de l’âme humaine, j’ai ressenti le besoin d’explorer et d’approfondir ce qui nous habite. Cette quête m’a conduite à m’interroger sur le sentiment qui nous anime tous mais que personne ne partage. J’ai recherché le sentiment le plus personnel, le plus intime, le plus secret.
J’ai trouvé la honte, élément fondamental de notre identité, qui touche à la fois notre image de soi et notre relation aux autres.
Pour mener à bien ce projet photographique j’ai sollicité mon entourage et mon réseau afin de collecter des témoignages selon un protocole garantissant leur anonymat. Les récits très intimes qui m’ont été confiés ont été d’une richesse émotionnelle intense. Tous émouvants, certains éprouvants, d’autres plus anecdotiques. Mais chacun porteur de la profondeur et de la complexité de la honte.
Riche de ces histoires et de ce qu’elles ont éveillé en moi, j’ai cherché à me les approprier pour les transformer en image.
Chaque photographie en est une interprétation personnelle.

Chers témoins,
Vous avez reçu cette lettre où je vous ai proposé de témoigner sur une situation de honte. Vous avez été nombreuses et nombreux à répondre malgré la difficulté de se pencher sur un sentiment intime qui peut renvoyer à des situations ou des souvenirs éprouvants.
Je m’interroge sur la raison de ce projet. Pourquoi la Honte ?
Est-ce ma part d’ombre ? Mon côté voyeur ?
Vous m’avez livré des secrets, des expériences tues, un bout de votre intimité. Tout le long de ce travail, j’ai mis toute ma vigilance à ne pas tomber, justement, dans le voyeurisme. Tout le long de ce travail je questionne mon éthique, par respect pour vous et par respect pour moi.
Quand j’ai reçu la première enveloppe, elle était comme un trésor à protéger.
La boite dans laquelle je mettais les enveloppes devenait, au fur et à mesure qu’elle se remplissait, de plus en plus lourde. Lourde de secrets. Lourde d’émotions contenues. Je la regardais, l’observais de loin, n’osant la profaner.
Puis la boite de Pandore s’est ouverte, avec vos douloureuses histoires, avec l’expression d’un mal être profond, avec des actes non assumés, des humiliations. Avec un rapport au corps compliqué, une image et une estime de soi dégradées, avec une honte sociale…
Mais aussi avec des anecdotes amusantes ou poétiques, qui me donnaient un peu de respiration.
Vous avez fait votre part, j’ai fait la mienne, en tentant, avec ma sensibilité, de transformer vos mots en images. Parfois satisfaite. Parfois pas du tout à la hauteur de vos récits. J’ai quelquefois échoué et m’excuse de cela. Ces images sont issues de vos témoignages. Peut-être vous vous y reconnaitrez, peut-être pas.
Quoiqu’il en soit, cette expérience partagée, en vous permettant de déposer quelque chose de vous, et en me permettant de réaliser un travail de création, nous aura peut-être, toutes et tous, allégé d’un poids. Sans vous ces images n’existeraient pas.
Pour tout cela je vous exprime ma gratitude.
Votre confiance m’a extrêmement touchée. Pour marquer mon engagement dans ce projet, j’ai moi aussi mis en image mes propres hontes.
Avec mes affectueuses pensées.












